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Covid-19 : Les assouplissements apportés aux conditions de quorum et de délégation de vote au sein des assemblées locales apparaissent excessifs à la mission de suivi de la commission des lois du Sénat (Commission - Mission)

Rédigé par ID.CiTé le 03/04/2020



La mission de suivi s’est réunie pour la première fois le 2 avril 2020, par visioconférence, pour procéder à un premier examen des mesures arrêtées par le Gouvernement. Celles-ci doivent respecter les habilitations accordées par le Parlement et rester strictement proportionnées à l’objectif d’éradication de l’épidémie de Covid-19 et à l’impératif de continuité des services publics, tout particulièrement celui de la justice. La mission constate que les textes pris par le Gouvernement respectent globalement le cadre juridique fixé par la loi d’urgence du 23 mars 2020.

La mission relève toutefois plusieurs points d’attention concernant la proportionnalité et l’efficacité de ces mesures.
D’une manière générale, les mesures prises par ordonnance ne sauraient par nature être que temporaires compte tenu des dérogations multiples qu’elles apportent à notre droit. À cet égard, la mission a relevé que plusieurs procédures dérogatoires pourraient se prolonger jusqu’à deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, délai qui doit être considéré comme un maximum. Si l’état d’urgence sanitaire devait se poursuivre au-delà des deux mois autorisés par la loi du 23 mars 2020, le Parlement, saisi pour autoriser la prorogation, devrait alors décider aussi, au terme d’une analyse au cas par cas et au vu de l’évolution des circonstances épidémiques, si les adaptations législatives prises restent justifiées dans leur totalité.

Sur le fonctionnement des collectivités territoriales
Les assouplissements apportés aux conditions de quorum et de délégation de vote au sein des assemblées locales apparaissent excessifs à la mission. Ils vont très au-delà des dérogations adoptées par le Parlement à l'article 10 de la loi du 23 mars 2020, et sont par ailleurs étendus aux commissions permanentes, au risque de dégrader le fonctionnement démocratique des instances concernées.
Plus largement, la mission sera très attentive à l'impact des mesures prises sur la vie démocratique de nos collectivités, et s'attachera à évaluer leur pertinence dans les petites communes, où l’accès au numérique reste très souvent insuffisant.
La mission déplore en outre la modification des délais liés au transfert de la compétence d'organisation de la mobilité dans les communautés de communes, conduisant à un calendrier particulièrement contraint risquant de faire obstacle à une prise de compétence sereine de l'établissement public de coopération intercommunale.

Sur la gestion des agents publics dans un contexte de crise sanitaire
La mission constate que les concours administratifs étant suspendus depuis le 12 mars dernier, le Gouvernement prévoit d’adapter les voies d’accès à la fonction publique, par exemple en supprimant certaines épreuves écrites et en autorisant le recours à la visioconférence pour les épreuves orales. Elle souligne que les conditions mises en œuvre ne doivent pas porter atteinte au principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics des citoyens, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Sur les élections municipales
Dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour, l’élection du maire et des adjoints doit être la plus rapide possible pour respecter le vote des électeurs et permettre aux nouvelles équipes municipales de commencer à travailler.
La loi d’urgence du 23 mars 2020 a déjà permis d’assouplir les règles de quorum et les procurations, tout en habilitant le Gouvernement à prévoir d’autres outils par ordonnances. Cette problématique n’est pas traitée dans les textes publiés, ce qui est très regrettable au regard de son importance. Le Gouvernement doit prendre, dans l’urgence, des dispositions prévoyant un vote à l’urne, par correspondance ou par voie électronique afin que l’élection des nouvelles municipalités puisse avoir lieu sans retard même dans l’hypothèse où le confinement devrait être prolongé

S’agissant du contentieux du premier tour des élections municipales, l’adaptation du délai de recours pour les citoyens peut s’expliquer par les difficultés pour réunir documents et témoignages et pour consulter les listes d’émargement, qui constituent des pièces essentielles dans les contentieux électoraux. Pour autant, l’augmentation du délai de jugement des tribunaux administratifs ne doit pas fragiliser la situation des conseillers municipaux élus dès le premier tour, en laissant planer une certaine incertitude sur leur mandat. La mission de suivi demande donc au Gouvernement de maintenir le délai habituel de jugement du contentieux électoral, fixé à trois mois.

En outre, la mission a formulé des recommandations sur des questions plus ponctuelles mais également importantes :
- des instructions plus claires doivent être données aux forces de l’ordre et aux maires concernant le contrôle du confinement et les sanctions encourues par les contrevenants, un certain flou demandant à être dissipé sur les contraventions de 5ème classe et sur l’exercice des pouvoirs de police des maires dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ;
- l’action des fonctionnaires mobilisés doit être mieux reconnue, par exemple en étendant la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue pour les salariés du secteur privé ;
- un suivi approprié et réactif des entreprises en difficulté, notamment lorsqu’elles sont en cessation de paiement, doit être mis en œuvre par les tribunaux de commerce, dont il est impératif d’assurer la continuité du fonctionnement pendant la crise afin de sauver des emplois.

Sénat - Commission - 2020-04-02