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Disparition des services publics dans les territoires ruraux - Menée à la hussarde, la dématérialisation a accentué la fracture territoriale (Mission d'information)

Rédigé par ID.CiTé le 14/10/2019



Depuis la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, l’égalité d’accès aux services publics est l’un des objectifs de la politique d’aménagement du territoire, que la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire a reformulé : "Elle assure l’égalité des chances entre les citoyens en garantissant en particulier à chacun d’entre eux un égal accès au savoir et aux services publics sur l’ensemble du territoire…".

Il y a loin de l’intention à la réalité même si la Cour des comptes réfute le terme d’abandon puisque "rapportée à la population, leur présence physique y reste dense, dans certains cas davantage même que dans les autres parties du territoire national". Ses conclusions, dont le caractère pratique mérite d’être salué, découlent d’une enquête évaluative menée dans des territoires "témoins", situés en dehors de l’influence des grandes villes conformément à la définition en creux de la ruralité retenue par l’INSEE, à savoir ceux qui ne répondent pas aux trois critères (continuité du bâti, concentration des emplois et déplacements domicile-travail) qui caractérisent une aire urbaine. Plusieurs géographes, tels Gérard-François Dumont ou Pierre-Marie Georges entendus par les rapporteurs, contestent cette méthodologie, trop favorable à l’urbain, qu’ils jugent imprégnée de "l’idéologie de la métropolisation".

De leurs nombreuses rencontres, les rapporteurs concluent que la politique d’accès aux services publics dans les territoires ruraux doit reposer sur deux piliers.
- D’une part, la couverture numérique, premier des services publics, indispensable à la fois à l’accès aux services publics et à l’attractivité des territoires ruraux (I).
- D’autre part, ce vaste projet, aussi ambitieux que coûteux, doit impérativement aller de pair avec la recherche d’un meilleur équilibre entre un accompagnement plus attentif des personnes à l’accès dématérialisé des services et le maintien d’un service de proximité (II).
Enfin, au-delà des aléas d’une politique de grande ampleur, il faudra, pour la mener à bien, l’inscrire dans une politique de l’aménagement du territoire renouvelée étayée par des moyens financiers pour conforter les propositions des rapporteurs (III).

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS
: assurer la couverture numérique très haut débit dans les territoires ruraux :
- recourir au mix technologique pour permettre un accès généralisé au réseau et aux usages en 2020 sans renoncer à l’objectif de 30 Mbit/s pour tous en 2022 et de 100 Mbit/s pour tous en 2025 ;
- sécuriser le financement des zones d’initiative publique.

: créer ou pérenniser des services de mobilité adaptés dans les territoires ruraux.

: abonder le Fonds pour le développement de la vie associative à destination des territoires ruraux.

: définir des aides à l’amélioration de l’habitat adaptées aux territoires ruraux.

: accompagner la mise en œuvre de centres de santé.

6 : fixer un seuil d’éloignement maximal des services de santé et d’urgence à vingt minutes.

: favoriser la création de petites structures collectives à destination des personnes âgées isolées.

8 : améliorer l’attractivité des stages dans les territoires ruraux pour les apprentis et les étudiants et rendre ces stages obligatoires pour les étudiants en médecine.

9 : mettre en place des tutorats et des échanges d’expérience pour mieux accompagner les néo-entrepreneurs des territoires ruraux en liaison avec les chambres d’agriculture, les chambres des métiers et les chambres de commerce et d’industrie.

10 : après le lancement du plan en faveur des tiers-lieux, assurer la viabilité de ces structures.

11 : maintenir l’emploi public dans les territoires ruraux en y redéployant les postes supprimés à l’échelle du département.

12 : améliorer l’efficacité des dispositifs publics de formation au numérique :
- former les élèves à tous les usages du numérique (technique et compréhension) et définir un socle numérique de base en termes d’infrastructures et d’équipements ;
- adapter les aides aux besoins des différents publics ;
- élargir le champ de la formation afin de la rendre plus attractive.

13 : prévoir un accès multicanal à tous les services publics consistant à compléter l’accès normal en ligne par une possibilité de recourir à d’autres modes d’accès téléphoniques ou physiques.

14 : délimiter et sécuriser l’intervention des accompagnants.

15 : améliorer le service apporté aux usagers des MSAP/MFS :
- recentrer le maillage du réseau France Services autour des bassins de vie en respectant un temps d’accès maximal de vingt minutes ;
- confier la gestion des maisons France Services aux intercommunalités dont les maires des communes membres seront réunis chaque année au sein d’une conférence sur l’organisation des services publics ;
- favoriser l’itinérance des services publics en direction des personnes éprouvant des difficultés à se déplacer.

16 : renforcer la visibilité du réseau MSAP/MFS :
- mettre en place une politique de communication pour accroître la notoriété des maisons France Services et des autres structures mutualisées ;
- informer régulièrement les secrétariats de mairie des services proposés par les MSAP/MFS.

17 : donner aux agents des MSAP/MFS les moyens de réussir leur mission :
- créer le métier d’agent polyvalent d’accompagnement du public avec une obligation de formation continue ;
- mettre en place un plan national de formation et de certification des compétences ;
- constituer, chez chaque opérateur, un réseau d’interlocuteurs bien identifiés, compétents et à la disposition des agents d’accueil.

18 : instituer un dispositif de mesure des coûts et de la performance des MSAP/MFS.

19 : sécuriser les financements pluriannuels des MSAP/MFS.

20 : simplifier la gouvernance de la politique publique d’implantation et d’accessibilité des services publics territoriaux :
- rendre les SDAASP opposables, en organiser le suivi, y intégrer les schémas sectoriels, et assurer leur cohérence avec les SRADDET ;
- conforter le binôme préfet-président de conseil départemental comme coordonnateur de l’organisation de l’accès aux services publics, y compris aux services de l’État ;
- créer une mission interministérielle à la ruralité constituée de référents dédiés dans chaque ministère.

21 : mesurer la population rurale selon la grille communale de densité INSEE/Eurostat et mettre à l’étude ses conséquences sur les mécanismes de péréquation financière.

22 : prendre en compte la vulnérabilité économique et sociale des populations pour calibrer la politique d’accès aux services publics.

23 : étudier la prise en compte d’autres critères que la population et le potentiel fiscal, notamment des critères environnementaux, dans l’attribution des dotations aux communes.

Assemblée Nationale - Rapport N° 2297 - 2019-10-10