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En invoquant son exclusivité dans la distribution d'un produit, une société ne fait état d’aucun élément de nature à démontrer l’illicéité du marché en litige

Rédigé par ID.CiTé le 27/04/2020



Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
(…)

Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière.

Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel manquement n'étant pas en rapport direct avec son éviction et n'étant pas, en lui-même, de ceux que le juge devrait relever d'office.

En l'espèce, pour estimer que l'offre présentée par la société était irrégulière et que le pouvoir adjudicateur était tenu de la rejeter, le tribunal administratif s'est fondé sur le III de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur, aux termes duquel : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) ", et sur le règlement de la consultation précisant, en son article I, que : " les matériels doivent être conformes en tout point au cahier des clauses techniques ", et imposant, en son article IX.2, que les offres comprennent " l'ensemble des documents demandés dans les spécifications techniques ". Le tribunal administratif a également relevé que l'article 1.3, intitulé " documents obligatoires ", du cahier des clauses techniques particulières applicable au lot n° 3, prévoyait que chacune des deux trousses composant le lot devait être accompagnée lors de sa livraison d'une notice d'emploi rédigée en langue française, comprenant notamment les consignes d'élimination en fin de vie des matériels, et que la notice d'emploi fournie par la société mentionnait, s'agissant du garrot tourniquet SOF Tactical et du pansement OLAES 4, qu'ils étaient " à usage unique ".

Le tribunal a refusé de regarder cette mention comme équivalant aux consignes d'élimination en fin de vie de ces matériels, exigées par le CCTP, et a estimé par ailleurs que la mention portée sur le sac de déchet de soins " à éliminer dans les centres de traitement agréés " ne pouvait pallier la carence de la notice d'emploi. Il a enfin jugé que le pouvoir adjudicateur ne pouvait demander à la société de compléter son offre. La société ne fait valoir devant la Cour aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces motifs qu'il y a lieu d'adopter.

En deuxième lieu, si la société dont l'offre a été rejetée à bon droit comme irrégulière, entend soutenir qu'elle aurait disposé de l'exclusivité de la distribution du garrot tourniquet de marque SOF Tactical, exigé par les spécifications techniques du marché, que l'offre de la société B., attributaire du marché, était de ce fait irrégulière et inacceptable, et que le contenu du contrat litigieux était lui-même entaché d'un vice en conséquence, il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'elle ne peut soulever un tel moyen, que si le vice ainsi allégué, sans rapport direct avec son éviction ou l'intérêt lésé dont elle se prévaut, est d'ordre public, c'est-à-dire si le contenu du contrat est illicite.

Le contenu d'un contrat ne présente un caractère illicite que si l'objet même du contrat, tel qu'il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu'il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu'en s'engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement.

En invoquant son exclusivité dans la distribution du garrot mentionné ci-dessus, la société ne fait, en tout état de cause, état d'aucun élément de nature à démontrer l'illicéité du marché en litige.
En troisième lieu, si la société soutient que son offre aurait du être classée en première position, que le marché a été résilié au mois de juillet 2018 et que la procédure choisie pour l'attribution du marché était inadaptée, les manquements ainsi invoqués qui ne sont pas d'ordre public, sont sans rapport direct avec son éviction. Ces moyens sont dès lors inopérants et ne peuvent qu'être écartés.


CAA de PARIS N° 17PA01931 - 2020-02-05