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La gratuité totale des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? (Rapport d'information)

Rédigé par ID.CiTé le 08/10/2019



D'après l'Union des Transports publics et ferroviaires (UTP), les réseaux de transport urbains comptaient, en 2017, 25 000 véhicules. Cette offre de transport a ainsi permis aux 33 millions d'habitants qu'ils desservent de réaliser 6,2 milliards de voyages.

Cette offre tend par ailleurs à se développer.
L'Observatoire des mobilités, mis en place par l'UTP en 2008, met en évidence une augmentation de la surface et de la population desservies par les transports publics. D'après ses résultats publiés en 2018, la première aurait doublé (passant d'environ 25 000 km2 à près de 50 000 km2) entre 2003 et 2016 et la seconde aurait augmenté d'environ 20 % sur la même période.

Ces chiffres agrégés recouvrent toutefois une grande diversité de situations.
Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) dénombre en effet 330 autorités organisatrices de la mobilité (AOM) au 1er janvier 2018, qui couvrent des ressorts territoriaux variés. La carte ci-après fait état de la répartition de ces réseaux urbains sur le territoire et de leur ressort territorial.
Il est ainsi difficile de comparer le réseau d'Île-de-France, qui dessert une population de plus de 12 millions d'habitants, à des AOM dont l'aire de compétence recouvre une seule ou plusieurs communes et qui s'adressent à quelques milliers d'habitants. Il s'ensuit que, selon les réseaux, l'offre de transport est plus ou moins étendue et diversifiée. Le tableau ci-après rend compte de cette diversité.

L'UTP identifie ainsi quatre catégories principales de réseaux en France:
1) Les réseaux de plus de 250 000 habitants, au sein desquels le nombre de voyages réalisés par habitant est 4,6 fois plus grand que dans les petites agglomérations ;
2) Les réseaux entre 100 000 et 250 000 habitants ;
3) Les réseaux entre 50 000 et 100 000 habitants ;
4) Les réseaux de moins de 50 000 habitants.
Si ces réseaux connaissent des évolutions différenciées, l'UTP met en avant un résultat global pour un échantillon de 93 réseaux : "la densité sur les territoires desservis a été réduite de moitié en 25 ans sur l'ensemble des ressorts territoriaux". Pour les grandes agglomérations, cette diminution ne s'élève qu'à 33 %, en raison de leur pouvoir d'attraction. La diminution est en revanche plus importante pour les petits réseaux.

Une équité territoriale défaillante
Une telle évolution différenciée entre petits et grands réseaux se traduit inévitablement par un sentiment d'inégalité devant l'accès aux transports chez un grand nombre de citoyens. Et pour cause : le Cerema estimait en février 2018 que 28 % de la population résidait en dehors d'un ressort territorial d'une autorité organisatrice de la mobilité. Ainsi, "si les 330 AOM françaises couvrent près des trois quarts de la population, elles ne représentent en superficie que 25 % du territoire". Un tel constat montre, en creux, que plus d'un quart de la population (18,8 millions de personnes) réside dans une "zone blanche de la mobilité". La mobilité participe donc des multiples fractures (économique, numérique, ou encore en termes d'accès aux soins) qui divisent le territoire. C'est à cette aune que la question des différentes offres de mobilité, gratuites ou pas, doit aujourd'hui être abordée.

Cette inégalité de répartition des autorités organisatrices de mobilité s'explique par la répartition de la population sur le territoire et conduit à concentrer les projets de mobilité autour des centres urbains. D'après l'Insee, "depuis 1990, la population des unités urbaines en France métropolitaine a augmenté de plus de 12 %". Cette inégalité de répartition est exacerbée par le fait que les outils de planification, tels que le plan de déplacements urbains, mais aussi les outils de financement, au premier rang desquels le versement transport, ont été pensés pour des territoires urbains.

Plus encore, cette inégalité tend aujourd'hui à s'amplifier. Le Commissariat général au développement durable souligne en effet qu'afin d'absorber l'augmentation de la population urbaine, et partant, celle de la congestion automobile, "l'offre de transports urbains s'est fortement développée au cours des vingt dernières années".

Un tel constat a été posé par la Ministre chargée des transports à l'occasion de la clôture des Assises nationales de la mobilité en décembre 2017 :
- "il y a d'un côté les zones urbaines qui ont su développer des offres de transports publics mais :
-  n'ont pas su faire face à une congestion automobile qui s'aggrave ;
-  ni souvent apporter des solutions aux quartiers politiques de la ville à leur périphérie ;
- il y a les zones périurbaines où l'habitat s'est diffusé pendant que les emplois se recentraient dans les coeurs de villes, avec une dégradation des conditions de déplacements pour le travail, l'accès aux lieux d'études ou aux services ;
- il y a les zones rurales qui sont souvent dépourvues d'offres et pour lesquelles l'enjeu reste dans de trop nombreux cas de sortir de l'enclavement".


La notion de mobilité, et a fortiori celle de gratuité des transports collectifs, se pose donc en des termes différents selon que l'on habite dans une métropole, dans une zone péri-urbaine ou encore en zone rurale. Elle ne saurait toutefois exclure de son champ plus d'un quart de la population ni plus des trois quarts du territoire national.
De nouveaux outils ont ainsi été pensés pour répondre aux caractéristiques propres de la demande en zone rurale. D'après le Cerema, "la question des déplacements en zone peu dense ne présente pas de solution unique, mais de multiples possibilités à combiner et à adapter à chaque territoire".


Le plan de mobilité rurale
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 prévoit (article 55) que la planification régionale de l'intermodalité "peut être complétée par des plans de mobilité rurale afin de prendre en compte les spécificités des territoires à faible densité démographique et d'y améliorer la mise en oeuvre du droit au transport".
La présentation du plan de mobilité rurale en région Hauts-de-France, en Somme Sud-Ouest souligne que certains enjeux liés à la mobilité sont plus spécifiques à la ruralité, en particulier dans le domaine de l'inclusion sociale.
La stratégie du plan de mobilité rurale a donc été pensée en visant deux cibles :
- les personnes peu mobiles, pour lesquelles le plan vise à apporter plus d'autonomie ;
- les personnes actives utilisant la voiture individuelle pour aller travailler.
Pour autant, l'inégale répartition de l'offre de mobilité sur le territoire se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. Ce constat relatif aux difficultés propres des habitants de zones rurales a d'ailleurs été mis en avant au cours de nombreuses auditions de la mission d'information.
Ainsi, à l'occasion de l'audition commune de l'Assemblée des communautés de France et de France Urbaine, M. Charles-Éric Lemaignen, vice-président de l'Assemblée des communautés de France, a souligné qu'"en matière de transports, la différence ne réside pas entre le périurbain et le rural, mais entre l'urbain dense, le périurbain et le rural. Les caractéristiques du périurbain et du rural sont proches".
Cependant, s'il existe une inégalité en matière de transport et de mobilité pour les zones rurales, les habitants de la ville cumulent les nuisances : pollution, bruit, encombrement...
Les travaux de la mission ont ainsi été irrigués par ces réflexions et ont veillé à prendre en compte les spécificités des enjeux de mobilité en zones périurbaines et rurales.

Sénat - Rapport d'information n° 744  - 2019-09-25
Synthèse
Infographie

La gratuité a un impact en matière de fréquentation, qui ne peut pas être durable sans une politique d’offre volontariste, selon une étude du GART
GART - Dossier complet - 2019-10-02