Ressources humaines

La suspension durable d’agents, motivée par un motif personnel constitue une faute personnelle du maire, détachable de ses fonctions

Rédigé par ID.CiTé le 20/09/2019



Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers ces collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l'exercice de leurs fonctions. Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité.

En l'espèce, si Mme D..., maire de la commune, fait valoir que Mmes C...et F...ont manqué à leur obligation de discrétion professionnelle en récupérant dans le dossier " brouillons " de sa boite mail, en copiant puis en diffusant les trois courriels comportant des vidéos dont le caractère strictement personnel ne prêtait à aucune confusion, il ne résulte cependant pas de l'instruction que les intéressées, dont les fonctions au cabinet du maire les conduisaient à prendre connaissance des messages figurant dans la messagerie professionnelle de l'élue, se seraient livrées à des manoeuvres pour consulter les messages litigieux et qu'elles les auraient diffusés avant l'intervention de la mesure dont elles ont fait l'objet le 12 novembre 2012.  (…)

En outre, Mme D...n'apporte aucun élément de nature à expliquer les raisons pour lesquelles elle n'a pas, dans ces conditions, engagé une procédure disciplinaire à l'encontre des intéressées mais a décidé, par des mesures qu'elle a prises personnellement, de les tenir éloignées des services de la commune pendant plus de seize mois, en les maintenant dans une situation administrative non conforme aux dispositions statutaires applicables aux intéressés.

D'autre part, ainsi que le fait valoir la commune, Mmes C...et F..., après avoir été " autorisées " à " rester à leur domicile " à compter du 12 novembre 2012, par de simples courriers de Mme D..., ont fait l'objet d'arrêtés portant suspension de sans qu'aucune action disciplinaire n'ait été engagée et alors qu'elles ne faisaient l'objet d'aucune poursuite pénale, en méconnaissance manifeste des dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et alors que, de surcroît, le président du conseil de discipline, par un courrier du 12 février 2013 adressé au maire de la commune, avait rappelé à la collectivité qu'elle devait saisir sans délai le conseil de discipline à la suite des arrêtés de suspension du 31 janvier 2013. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en prenant les mesures litigieuses à l'encontre de Mmes C...etF..., A...D...se serait bornée à suivre les recommandations des services de la commune et de ses conseils. Elle a d'ailleurs indiqué aux services de police avoir " demandé à son directeur de cabinet que ces deux secrétaires quittent le secrétariat immédiatement dans l'attente d'une autre affectation ".

Au demeurant, eu égard à ses fonctions de maire et à la circonstance qu'elle ne pouvait ignorer l'illégalité des mesures qu'elle prenait à l'égard de deux fonctionnaires territoriaux, Mme D...ne peut se prévaloir de la circonstance que l'ensemble des décisions en litige auraient " été prises avec et instruites par des fonctionnaires de la Ville et, en bénéficiant des conseils des avocats de cette dernière " sans que " l'un d'entre eux ait émis la moindre réserve sur le fait qu'elle agissait ici dans le cadre de ses fonctions ".

Il résulte de ce qui précède que, eu égard à la nature, aux conditions dans lesquelles sont intervenues les décisions de suspension édictées par Mme D..., ainsi qu'à leur durée, ces mesures répondaient à l'objectif d'écarter durablement Mmes C...et F...du service pour un motif personnel lié à la découverte de ces vidéos. Ces faits, qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire de la commune...

CAA de VERSAILLES N° 18VE00527-18VE00528 - 2019-07-25