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Les déserts médicaux concernent aujourd'hui une commune sur trois (Rapport d'information)

Rédigé par ID.CiTé le 03/02/2020



Les défauts de l'organisation du système de soins français sont connus et documentés : s'il offre une large couverture des besoins des populations, notre système de santé souffre d'inégalités manifestes d'accès aux soins d'origine géographique et monétaire, du poids encore prépondérant de l'exercice médical isolé et d'un cloisonnement entre les différents professionnels de santé et entre les différents secteurs de l'offre de soins (établissements de santé, établissements médico-sociaux, ville).

Les déserts médicaux concernent aujourd'hui une commune sur trois : entre 9 et 12 % de la population française vit aujourd'hui dans un désert médical, soit entre 6 et 8 millions de personnes. Les écarts de densité entre départements varient en moyenne de 1 à 3 pour les médecins généralistes. L'accès aux spécialistes est encore plus disparate, avec un rapport de 1 à 8, et même de 1 à 24 pour les pédiatres. En outre, près de 9 % des assurés de plus de 16 ans n'ont pas de médecin traitant. Sur le volet de l'accès aux soins, la situation française apparaît plus dégradée que dans d'autres pays de l'OCDE, avec une densité médicale dans les zones rurales françaises plus faible que la moyenne de l'OCDE.

Par ailleurs, selon un sondage réalisé par l'institut BVA, plus de 7 Français sur 10 auraient renoncé au moins une fois à se soigner quelle que soit la raison et un tiers des Français pratiquent l'automédication, notamment dans la classe des 18-24 ans (45 %). Par ailleurs,
Si le rythme d'adoption des lois "santé" tend à s'accélérer, à savoir une tous les trois ans contre dix ou quinze ans auparavant, et alors que les plans gouvernementaux se succèdent, les enjeux de la régulation de l'offre de soins demeurent les mêmes et pourraient encore s'aggraver avec le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et la dépendance. En outre, la planification de la politique de santé est en décalage avec les besoins des territoires et la demande de proximité des citoyens

Certes, les rapporteurs se réjouissent que des avancées aient eu lieu pour développer du temps médical, en matière de télémédecine, de réforme des études de santé, de partages de compétences entre professionnels de santé ou encore pour le développement de l'exercice coordonné dans le cadre de la récente loi du 26 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Ces avancées rejoignent d'ailleurs certaines des recommandations du rapport de la commission de 2013 Déserts médicaux : agir vraiment.
Toutefois, les rapporteurs rappellent que 87 % des personnes interrogées dans un sondage IFOP pour le JDD, souhaitent obliger les médecins à s'installer dans les zones sous-denses. Aussi, pour répondre à l'enjeu majeur de l'accès aux soins, les rapporteurs recommandent à titre principal :

1. d'avancer sur le chemin d'une troisième voie, entre incitation financière sans contrepartie et coercition à l'installation des médecins, de régulation progressive des installations de médecins, pour rééquilibrer l'offre médicale dans notre pays au bénéfice des territoires ruraux les plus fragiles. Ils invitent en particulier les médecins à se saisir au plus vite de l'occasion que leur fournit le Parlement à l'article 9 de la loi du 26 juillet 2019 pour déterminer, en lien avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, les conditions dans lesquelles ils pourront participer concrètement à la réduction des inégalités territoriales d'accès aux soins, disposition insérée à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ;

2. de mieux adapter l'organisation du système de soins à la réalité des territoires, en renforçant l'association des collectivités territoriales à la politique de santé et en activant l'ensemble des leviers susceptibles de libérer du temps médical (exercice coordonné, partage de compétences, télémédecine, télésoins) dans les territoires.

Les 8 principales propositions
Evaluer, deux ans après sa mise en oeuvre, l'article 2 de la loi du 24 juillet 2019 relatif à la généralisation obligatoire du stage en soins premiers en autonomie supervisée (Saspas) de six mois pour les étudiants de dernière année de médecine générale, prioritairement dans des zones sous-dotées pour étudier l'opportunité de concentrer ce dispositif, le cas échéant, uniquement sur ces zones.

Recenser et évaluer la diversité des dispositifs incitatifs à l'installation des professionnels de santé, en particulier les médecins, en supprimant les aides inopérantes, pour affecter, le cas échéant, les crédits ainsi libérés à l'augmentation des aides les plus efficaces ou à d'autres leviers de lutte contre les déserts médicaux.

Engager au plus vite la négociation entre l'Assurance maladie et les médecins prévue par la loi du 24 juillet 2019 à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable pour "déterminer les conditions dans lesquelles les médecins participent à la réduction des inégalités territoriales dans l'accès aux soins".

A défaut, mettre en oeuvre à moyen terme un système dit de conventionnement sélectif, afin de limiter les installations des médecins dans les zones sur-dotées selon un principe "une arrivée pour un départ".

Repenser l'organisation institutionnelle des agences régionales de santé (ARS) pour garantir une meilleure association des collectivités territoriales à la gouvernance de la politique de santé.

Pour libérer du temps médical dans les territoires, prolonger les partages de compétences en autorisant un exercice plus autonome des professions paramédicales par l'assouplissement du régime des pratiques avancées.

Envisager de nouvelles extensions législatives de compétences de certaines professions de santé, pour libérer du temps médical dans les territoires, sans porter atteinte à la sécurité des soins.

Modifier l'avenant n° 6 à la Convention médicale pour garantir le remboursement sans condition par l'Assurance maladie des téléconsultations pour les patients résidant en zones sous-denses.

Sénat - Rapport d'information n° 282 - 2020-01-29
http://www.senat.fr/rap/r19-282/r19-282.html