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Mettre la transition écologique au cœur de la relance

Rédigé par ID.CiTé le 15/05/2020



"Comment faire en sorte que la transition écologique ne soit pas sacrifiée avec la relance mais soit le nouveau socle de la croissance ?", a demandé le président de la commission Hervé Maurey à l’économiste Gaël Giraud, inaugurant un cycle d’auditions consacrées à la "relance verte".

Parallèlement à un suivi "à chaud" de la gestion immédiate de cette crise et de ses impacts sur les différents secteurs qui relèvent de sa compétence (
cliquer ici ), la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat lance des travaux d’analyse des impacts profonds de cette crise et des leçons qui devront en être tirées pour le climat dans le cadre de la relance.

Considérant que la crise actuelle constituait une sorte de répétition générale de crises potentiellement plus graves à venir, Gaël Giraud a plaidé pour la réindustrialisation verte de notre pays. La rénovation thermique des bâtiments, la mobilité verte et la formation professionnelle, pour disposer de main d’œuvre qualifiée dans le secteur du bâtiment par exemple, sont pour lui des priorités.

L’indispensable relocalisation d’une partie de notre économie pourrait conduire selon lui à des nationalisations stratégiques. "Depuis une quarantaine d’années, l’État est devenu l’assureur général du secteur privé", a-t-il estimé, considérant qu’une réflexion devait être menée pour définir un nouveau dialogue et de nouvelles méthodes de collaboration entre l’État et le secteur privé pour une vraie industrie dont les coûts fixes seraient pris en charge collectivement.

Interrogé sur la conditionnalité environnementale des aides accordées par l’État aux entreprises, Gaël Giraud a évoqué une difficulté, aujourd’hui à la main des États : celle de la pénalisation de la vertu écologique liée à la concurrence. "Il faut des critères quantitatifs clairs pour mesurer la profondeur des engagements des entreprises".

Interrogé à ce sujet par de nombreux sénateurs, il a estimé que, contrairement aux orientations prises à ce stade par la Commission européenne et par Bercy, le problème de la dette publique - que l’austérité budgétaire ne saurait résoudre dans un contexte déflationniste - n’était pas aujourd’hui le plus important et que la priorité devait aller au désendettement du secteur privé jusqu’à ce qu’il puisse réinvestir dans l’économie. Selon lui, malgré le matraquage médiatique sur le sujet, il n’y a pas d’hostilité de l’opinion publique à la dette, notamment dans un contexte où le chômage risque de devenir la principale hantise. Il a en revanche plaidé pour une annulation de la part des dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne .

Il a partagé les craintes exprimées sur un retour du plastique dans le cadre de la relance : "refaire dépendre une partie de notre économie du pétrole est la pire des mauvaises idées aujourd’hui".

Gaël Giraud s’est également montré favorable à l’outil de la taxe carbone, à même de fournir des recettes fiscales à l’État, lui permettant de financer des chèques énergies pour les contribuables pénalisés, au développement de monnaies locales dans les collectivités territoriales ainsi qu’à une non comptabilisation des investissements verts de long terme dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance "dans une entreprise, on ne met jamais sur un pied d’égalité les dépenses d’investissement de long terme et les dépenses courantes.

Interrogé sur ce sujet, il a estimé qu’aucun argument économique ne plaidait pour un allongement du temps de travail, créateur de chômage.

Il a également mis en lumière l’importance d’une reconstruction de la coopération internationale, négligée ces dernières années. "Nous avons réduit la mondialisation à la simple globalisation marchande : or, elle ne se réduit pas à cela". Il a ajouté : "On ne pourra pas venir à bout d’une pandémie comme celle du Covid‑19 sans une coopération de tous les pays de la planète".


Sénat - Audition - 2020-05-13