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Prorogation de l'état d'urgence - Le Conseil constitutionnel valide la loi tout en censurant des éléments liés à l'isolement des malades et au "traçage" de leurs contacts

Rédigé par ID.CiTé le 12/05/2020



LOI n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions

Chapitre Ier : Dispositions prorogeant l'état d'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime

Article 1 - L'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est prorogé jusqu'au 10 juillet 2020 inclus.
Responsabilité pénale (validée par le Conseil constitutionnel)
Le chapitre VI du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3136-2 ainsi rédigé : "Art. L. 3136-2. - L'article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l'auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu'autorité locale ou employeur."

Article 2 - La fin anticipée, par décret, de cet état d’urgence est une décision qui, le cas échéant, devra être prise après avis du comité de scientifiques

Article 3 - Réglementation ou interdiction de la circulation des personnes et des véhicules et réglementation de l'accès aux moyens de transport et des conditions de leur usage

Article 5 - Mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et mesures de placement et de maintien en isolement

Article 9 - Constatation par procès-verbaux (transports)

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Chapitre II : Dispositions relatives à la création d'un système d'information aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19
Article 11 - 
données à caractère personnel concernant la santé relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles pouvant être traitées et partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées, dans le cadre d'un système d'information créé par décret en Conseil d'Etat et mis en œuvre par le ministre chargé de la santé.

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Chapitre III : Dispositions relatives à l'outre-mer


JORF n°0116 du 12 mai 2020 - NOR: PRMX2010645L


Décision du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel valide plusieurs de ses dispositions mais, concernant les traitements de données à caractère personnel de nature médicale aux fins de "traçage", le Conseil décide deux censures partielles et énonce trois réserves d'interprétation, cependant que, concernant le régime des mesures de quarantaine et d'isolement, il prononce une réserve d'interprétation et une censure

Conditions d'engagement de la responsabilité pénale en cas de catastrophe sanitaire
Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du paragraphe II de l'article 1er de la loi déférée rappellent celles de droit commun et s'appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi pénale. Elles ne sont pas non plus entachées d'incompétence négative.

Régime de l'état d'urgence sanitaire
Le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur d'en prévoir un. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.

Mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement
Examinant le régime de quarantaine des personnes susceptibles d'être affectées par la maladie à l'origine de la catastrophe sanitaire ayant justifié la déclaration de l'état d'urgence sanitaire ainsi que le régime de placement et de maintien en isolement des personnes affectées pour une durée initiale de quatorze jours, renouvelable dans la limite d'une durée maximale d'un mois, le Conseil constitutionnel a jugé que constituaient des mesures privatives de liberté les mesures consistant en un isolement complet, lequel implique une interdiction de "toute sortie". Il en va de même lorsqu'elles imposent à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour.

Système d'information destiné à permettre le traitement de données destinées au "traçage" des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières
Selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il résulte du droit constitutionnel au respect de la vie privée que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Il a en outre jugé pour la première fois que, lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités.
S'agissant du champ des personnes susceptibles d'avoir accès à ces données à caractère personnel, sans le consentement de l'intéressé, le Conseil constitutionnel a censuré comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée la deuxième phrase du paragraphe III de l'article 11 incluant dans ce champ les organismes qui assurent l'accompagnement social des intéressés.

Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020

JORF n°0116 du 12 mai 2020 - NOR: CSCL2011683S