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Restitution d'une subvention accordée à une SEM locale pour non-respect de la loi Toubon sur l'emploi de la langue française

Rédigé par ID.CiTé le 24/06/2020



L’association ADLF défend la langue française dans un contexte contraint notamment par le Conseil constitutionnel ( Décision du 29 juillet 1994 N°94-345 DC ), pour qui cette loi "prescrit sous réserve de certaines exceptions l’usage obligatoire de la langue française dans les lieux ouverts au public, dans les relations commerciales, de travail, dans l’enseignement et la communication audiovisuelle ; (…) elle n’a toutefois pas pour objet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée ; (…) elle comporte des dispositions destinées à garantir la présence de la langue française dans les manifestations, colloques et congrès organisés en France et dans les publications, revues et communications diffusées sur le territoire national ; (…) les dispositions qu’elle comporte sont assorties de diverses sanctions", sachant que la liberté de communication et d’expression proclamée par l’article 11 de la DDHC "implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ; que la langue française évolue, comme toute langue vivante, en intégrant dans le vocabulaire usuel des termes de diverses sources, qu’il s’agisse d’expressions issues de langues régionales, de vocables dits populaires, ou de mots étrangers".

Est particulièrement en litige l’article 15 de la loi du 4  août 1994 relative à l’emploi de la langue française : "L’octroi, par les collectivités et les établissements publics, de subventions de toute nature est subordonné au respect par les bénéficiaires des dispositions de la présente loi. / Tout manquement à ce respect peut, après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations, entraîner la restitution totale ou partielle de la subvention".

Cette possibilité de restitution doit se combiner avec les obligations (article 14 de la loi) qui pèsent particulièrement sur les personnes "lato sensu" chargées de la gestion d’un service public et les impératifs généraux (emploi du français, communication et traductions si nécessaire en deux langues).

En l’espèce, la Cour censure la décision du département de la Haute-Savoie refusant de mettre en œuvre la procédure de restitution de la subvention versée à la société d'économie mixte (SEM) locale de La Clusaz (Office du tourisme de la Clusaz, L. 133-3 code du tourisme) pour l’organisation d'une épreuve de ski du "radikal Mountain junior" (marque déposée…), compétition de "free ride" pour les raisons rappelées au point 3 de l'arrêt de la cour qui prévoit que " ...la SEM de La Clusaz, dont l'objet et les missions sont ceux d'un office de tourisme communal, utilise la marque "La Clusaz Radikal Mountain", qu'elle a déposée à l'INPI et la dénomination de la compétition utilise ainsi des termes anglais. Les informations relatives à la manifestation en litige, dont celles reprises sur le site internet créé pour les besoins de son organisation, destiné au public français, faisaient usage de nombreux anglicismes dans leur version française. De même, le règlement, le programme de la manifestation, l'affichage et la présentation de cet évènement étaient exclusivement rédigés en langue anglaise et l'inscription à la compétition devait par ailleurs être réalisée sur un site utilisant uniquement la langue anglaise. Dans ces conditions la SEM de La Clusaz a méconnu à plusieurs reprises les dispositions précitées des articles 2 et 14 de la loi du 4 août 2014. Par suite, le refus du président du conseil général du département de la Haute-Savoie d'engager la procédure, décrite à l'article 15 précité de la même loi, de restitution de la subvention antérieurement allouée à cette SEM par la délibération du 3 février 2014, entaché d'erreur manifeste d'appréciation, devait être censuré..."

La Cour ne censure pas l’absence de mise en œuvre de la procédure de restitution pour une subvention allouée à la société "Caméléon Organisations", société de droit privé ne gérant aucun service public, pour les "Corporate Games" : cf point 5 de l'arrêt (les articles 4, 14 et par suite l'article 15 de la loi ne s’appliquant pas).
La Cour juge également au point 5 de l'arrêt que les sites internet bien qu'accessibles au public, ne peuvent être qualifiés de voie publique, de lieu ouvert au public ou de moyen de transport en commun au sens de l'article 3 de la loi du 4 août 1994, qui considère comme tels seulement des lieux physiquement localisés sur le territoire français. Dès lors, l'emploi obligatoire de la langue française pour toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et l'obligation corrélative de double traduction, pesant spécifiquement sur les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public, ne s'appliquent pas aux sites internet, dont celui créé et animé par l'organisateur de la manifestation en litige.


CAA Lyon N° 18LY01058 - 2020-06-04