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Territoires, bien-être et politiques publiques - L’environnement local influence le mécontentement des habitants, au-delà de leur propre situation personnelle

Rédigé par ID.CiTé le 16/01/2020



Pertes d’emplois, disparition de services publics et de commerces de proximité, effondrement du prix de l’immobilier, ou encore délitement du lien social : les sources du mal-être dans les territoires sont potentiellement nombreuses.
Le mouvement des Gilets jaunes a introduit dans le débat public de nombreuses interrogations sur les inégalités territoriales. La présente Note vise à analyser les déterminants locaux du mécontentement d’une partie de la population.


Les auteurs étudient cinq caractéristiques des conditions de vie locale :
- l’emploi,
- la fiscalité locale,
- les équipements privés et publics,
- l’immobilier
- le lien associatif.


Ils mesurent l’évolution de ces dimensions au sein de chaque commune au cours des dernières années et analysent leur pouvoir prédictif sur trois symptômes du mal-être :
- la mobilisation des Gilets jaunes,
- la variation du taux d’abstention lors des élections présidentielles,
- le mal-être déclaré par les citoyens.


Les estimations confirment l’influence de l’environnement local sur le mécontentement des habitants, au-delà de leur propre situation personnelle.
L’évolution du taux de chômage local, par exemple, exerce une influence sur leur moral et leur comportement politique, même s’ils ne sont pas touchés personnellement par ce phénomène. Les relations mises en évidence au niveau communal ne reflètent donc pas uniquement la concentration spatiale d’individus aux caractéristiques semblables, mais bien l’influence du contexte économique et social.
Si les évolutions économiques jouent un rôle important, c’est également le cas de la perte d’équipements, notamment de commerces alimentaires (épiceries, supérettes). Il en va de même des secteurs de l’éducation et de la culture : une commune qui perd son lycée, sa librairie ou son cinéma a plus de risque de connaître un évènement Gilets jaunes. La fermeture des équipements de santé, dont les maternités et les services d’urgence, conduit à un résultat similaire.


Plus généralement, c’est la perte des lieux de socialisation qui semble participer au mal-être des territoires mobilisés dans le mouvement des Gilets jaunes. A contrario, lorsque le tissu associatif local est plus dense, les expressions de mécontentement sont plus rares.
À l’aune des résultats de cette étude, les auteurs considèrent que l’objectif des politiques territoriales doit être repensé pour viser davantage la qualité de vie et les critères de bien-être de la population, au-delà des seuls objectifs économiques.
L’action de l’État doit accompagner les politiques conçues au niveau local, avec mise à disposition de son expertise au service d’expérimentations locales.


L’accès aux services publics et aux services de proximité peut être repensé à travers des lieux hybrides, favorisant le lien social.
Les outils de mise en œuvre de ces nouvelles politiques territoriales ne sont pas des dispositifs centralisés de politiques publiques, mais des initiatives émanant des territoires. L’efficacité de ces politiques devra être évaluée en prenant en compte les multiples critères correspondant aux différentes sources du bien-être local.

CAE - Note n°55 - 2020-01-14